Les élections prévues en 2018 au Cameroun sont certaines, mais ne sont plus lointaines. Un frémissement parcourt déjà le pays depuis quelques temps avec pour seul objectif ces échéances. Certains s’activent publiquement, d’autres moins à découvert. Même le président de la République ne s’est pas officiellement pas encore prononcé sur sa candidature ou non, ses partisans ont déjà annoncé la couleur.
Seulement le climat ambiant pourrait se transformer en un caillou dans la chaussure du pouvoir actuel. Les tensions sont nombreuses tant sur le domaine social avec l’insécurité prégnante, Boko Haram, les catastrophes et assassinats, sur plan politique avec la crise anglophone, économique avec le retour au Fmi, la crainte de l’austérité dure qui en découlera sûrement, sportif avec la Can 2019 dont l’organisation par le Cameroun n’est pas encore assurée, les projets structurants inachevés, le front international avec les attaques permanentes à charge et surtout pas désintéressées des Ong telles Reporters sans frontières et Amnesty international et bien d’autres encore. L’année 2018 s’annonce ainsi comme l’année de tous les dangers, celle où tout peut arriver, celle de toutes les incertitudes.
Dans toutes les têtes, sur toutes les lèvres…
Ahue et à dia, que ne claironne- t-on pas à propos ? Pour des compatriotes et d’autres qui ne sont pas de chez nous et qu’une affaire strictement camerounaise ne concerne en rien, 2018 est l’année-charnière, l’étape décisive devant consacrer le basculement d’un régime en place depuis 35 ans et dont ils ont décrété l’essoufflement depuis longtemps. Pour eux, à la faveur de l’élection présidentielle à venir l’année prochaine, il ne s’agira pas de se contenter d’un «Biya must go !», mais de le faire partir vraiment. Enfin. Et pour y arriver, on a très bien compris que tous les moyens seront bons pourvu qu’ils soient efficaces. Depuis longtemps également, d’autres Camerounais se sont prononcés ouvertement pour une… continuité. Inutile de faire l’inventaire de leur argumentaire. À la place, on peut se contenter de relever quelques expressions émaillant les centaines de motions de soutien adressées en leur temps au président Paul Biya, qui l’imploraient de bien vouloir se présenter à nouveau en 2018. On y lit : «consolidation des acquis», «préservation de la paix et de la sécurité», «poursuite de la politique des grandes réalisations», «atteinte de l’émergence en 2035», etc. Dans leur idée, ce champ lexical anti-changement est un corpus d’arguments fondés. Pour les autres, il s’agit surtout de slogans éculés à fouler au pied le moment venu, par tous les moyens. Autant de choses qui font subodorer que la présidentielle de 2018 ne sera pas une simple affaire. Dans de nombreux discours, avec un ton pédagogique, Paul Biya a toujours rappelé que la politique n’est pas un combat, mais un débat. Ce qui se donne à voir et à entendre depuis un certain temps à propos de cette échéance indique très peu qu’il y aura de la place pour le débat.
Manœuvres
Tels des entrainements pour un athlète devant aller compétir, les grandes manœuvres ont déjà commencé dans le camp de ceux qui défendent un bilan et celui de ceux qui le pourfendent. Ouvertement et sous cape, on travaille à rassembler, à se positionner, à préparer les esprits. Jamais, de mémoire de Camerounais, les débats radiophoniques et télévisés qui à longueur de journée dressent le bilan de santé du régime, n’ont autant
eu la côte. Tout le monde a à dire. On tance, on admoneste, on avertit, on menace. Dans le camp du pouvoir on est en proie à toutes les incertitudes, sources d’angoisse. Et le silence du concerné sur ses intentions et cette course contre les «ennemis invisibles du régime tapis en son sein», n’arrangent rien. Le malaise rejaillit sur la vie nationale, dans tous ses secteurs d’activités. L’année 2018 dans tous les esprits et sur toutes les bouches, il reste peu de place pour l’action présente qui résoudrait déjà les problèmes de 2017. L’affaire a pris de telles proportions que toute insuffisance de l’action gouvernementale constatée, est parfois interprétée comme les signes d’un complot venu de l’intérieur par le camp du pouvoir lui-même ! Pour ceux d’en face, c’est du grain supplémentaire censé continuer de faire tourner un moulin à l’ouvrage, depuis 2011.
Et 2017 alors ?
Vivre en 2017 en ayant l’esprit et les yeux sur 2018. Telle est la réalité implacable imposée au Camerounais, sans que compte ait été tenu des urgences actuelles, nombreuses du reste. Et si, par refus de délivrer une procuration de penser et d’agir en nos lieu et place à ces compatriotes si futuristes dans le discours, nous nous contentions, de dresser avec lucidité l’état du Cameroun en 2017 ? Année à laquelle nous sommes, faite de ses réalités et de ses problèmes. Au passage, faisons également un clin d’œil à tous ces autres que l’échéance de 2018 agite, ou qui s’agitent déjà à tort ou à raison. Exhortons-les, implorons-les de nous parler du Cameroun de maintenant. Économiquement, le pays est plongé dans l’angoisse. Politiquement, on est en présence d’une cocotte proche de l’implosion. Au plan social, un sentiment de malaise général est de plus en plus perceptible, fait de frustrations nées des injustices, de la faiblesse du pouvoir d’achat et d’un accès difficile aux services de base. Réalités camerounaises actuelles plus préoccupantes que celles à venir en 2018, avec ses quatre consultations électorales, qui font déjà saliver. Vous aviez raison, Excellence monsieur le Président. Les élections en 2018 sont encore lointaines ! Pourvu que le moment venu, elles ne dégénèrent pas en un pugilat dévastateur…
Source: Signatures, Dominique Beling-Nkoumba